Née en 1992

Vit et travaille à Clermont-Ferrand

Représentée par la galerie Olivier Waltman

www.galeriewaltman.com

2017 DNSEP de l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes avec les FÉLICITATIONS du jury

PRIX

2023 Finaliste Prix de dessin Pierre David-Weill

2022 Finaliste Prix de dessin Pierre David-Weill

2021 Finaliste Prix de dessin Pierre David-Weill

2019 Finaliste BIGAWARDS, Barcelona

2019 Prix Louise Baron de la Ville de Saint-Raphaël

2017 Finaliste Prix Graphique de l’institut international Charles Perrault

2015  Nominée 2015 et Prix du public du 30ème rendez-vous des Jeunes Plasticiens, Saint-Raphaël

EXPOSITIONS PERSONNELLES

2025 La Chapelle – Riom, France

2024 Tu respires. Je t’entends à l’autre bout de la Terre – Galerie Olivier Waltman [Saint-Germain]- Paris, France

2023 DÉCLARATIONS / Fonds d’Art Moderne et Contemporain – Montluçon, France

2020  Toute ma vie Pour toujours / Galerie Robet Dantec – Belfort, France

EXPOSITIONS COLLECTIVES

2024 A l’ombre de nos rumeurs – Chapelle de l’Ancien Hôpital général – Clermont-Ferrand, France

2024 Expo Chicago (Galerie Olivier Waltman) – Chicago, USA

2023 GROUP SHOW / Galerie Olivier Waltman [MARAIS] – Paris, France

2023 INSIDERS / Galéria Jána Koniarka – Trnave, Slovaquie

2023 OUTSIDER AGORA / Exposition collective organisée par Florence Obrecht et Axel Pahlavi – Kunsthaus Laurent Kruppa – Liebenwalde, Allemagne 

2023 Prix de Dessin Pierre David-Weill / Pavillon Comtesse de Caen – Paris, France

2023 DDESSIN Salon du dessin contemporain (Galerie Olivier Waltman) / Domus Maubourg – Paris, France

2022  Luxembourg Art Week / Art fait – Luxembourg

2022 L’ami.e modèle / Mucem – Marseille, France

2022  Art on paper Salon du dessin contemporain / Espace Vanderborght – Bruxelles, Belgique

2022  Inédits / Galerie Robet Dantec – Belfort, France

2022 Contre temps / Duo show avec Yann Bagot – Galerie Olivier Waltman – Paris, France

2022 DDESSIN Salon du dessin contemporain / Le Molière – Paris, France

2022 Prix de Dessin Pierre David-Weill / Pavillon Comtesse de Caen – Paris, France

2022 Pop Up Art / Fondation Fernet-Branca – Saint-Louis, France

2021  Luxembourg Art Week / Art fait – Luxembourg

2021 DDESSIN Salon du dessin contemporain / Le Molière, Paris, France

2021 Prix de Dessin Pierre David-Weill / Pavillon Comtesse de Caen – Paris, France

2020  Luxembourg Art Week / Art fait – Luxembourg

2020  A voir absolument ! / H-Gallery – Paris, France

2020  Vivre un jour de plus / H Gallery – Paris, France

2020 Petits formats / Galerie Robet Dantec – Belfort, France

2019 Feel Good / Galerie Jean-Louis Ramand – Paris, France

2020 Le Petit Marché de l’Art / Galerie Rayon Vert – Nantes, France

2019   BIGAWARDS2019 Barcelona / CAGE Gallery – Barcelone, Espagne

2019   Emergences #1 / Galerie Robet Dantec – Belfort, France

2019   32ème rendez-vous des jeunes plasticiens / Centre Culturel – Saint-Raphaël, France

2019   La semaine du dessin #3 / Galerie Mariska Hammoudi – Paris, France

2018  VENTILATOR: VOM WINDE VERWEHT / Projektraum Ventilator – Berlin, Allemagne

2018 Lamento / Pôle Culturel Chabran / Espace Papiers – Draguignan, France  

2018 16ème Biennale d’Arts Actuels/CRAC / Champigny, France

2017  Salon Galeristes ( Galerie Provost-Hacker) / Carreau du Temple – Paris, France

2017  Elstir passerelle pour l’Art / Centre Culturel – Saint-Raphaël, France

2017   Le Banquet, une exposition aux frontières de la bande dessinée / Maison Fumetti – Nantes, France

2016  Truth or consequences / Galerie Beaux-Arts – Nantes, France

2016  L’Eté Contemporain / Musée d’Arts et d’Histoire – Draguignan, France

RESIDENCES / BOURSES

2024 Résidence Château de Lourmarin (84)

2023 Résidence longue Shakers, Montluçon (03)

2021 Résidence TRANSAT/Ateliers Médicis, Salon-de-Provence (13)

2019/2020 Bourse du dispositif Création en Cours porté par les Ateliers Médicis, le Ministère de la Culture et l’Education Nationale, Le Puy Notre Dame (49)

STAGES

2019 mars Atelier Axel Pahlavi et Florence Obrecht à Berlin, Allemagne

PUBLICATIONS

2023 Catalogue d’exposition Déclarations, Fonds d’Art Moderne et Contemporain, Montluçon

PUBLICATIONS

MEDIAS / PRESSE

2024 lintervalle.blog (par Fabien Ribery) / ICI /

2023 La Montagne, Montluçon (par Magalie Lépinoux) / ICI /

2022 Acumen 24 (par Stéphanie Dulout) / ICI /

2022 Toute la culture ( par Amélie Blaustein Niddam) / ICI /

2022 Arts in the city (par Pauline Chevallereau) / ICI /

2021 Quotidien de l’Art, Hors-série DDESSIN juin (par Léa Amoros) / ICI /

2020 Aluring.com (par Clément Sauvoy, journaliste, curateur et collectionneur) / ICI /

2020 Entretien avec la Galerie Robet Dantec dans la Revue Point Contemporain / ICI /

2020 Courrier de l’Ouest février et mars / ICI / et / ICI /

2018 Illustration pour le sixième numéro de la revue Opium Philosophie Magazine / ICI /

2018 PausArt (par Rachel Chenu) / ICI /

2017 Étape Magazine spécial diplôme 2017 (par Marion Bothorel) / ICI /

2017 JET FM/ entretien pour l’émission Esperluette, le 5 avril 2017 à l’occasion du vernissage de l’exposition « Le Banquet » à Nantes

2016 Catalogue Vulome III, édité par Les Slips de Papa / ICI /

COLLECTIONS

Ville de Montluçon

Artothèque de la ville de Draguignan

Collection de l’École des Beaux-Arts de Nantes Métropole (Centre de Ressources)

Collection privées


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TEXTES

2024/ Fabien Ribery, Auteur et journaliste

« Je me suis mariée le 11 septembre 2021. Ce jour-là, je portais un voile que j’avais dessiné et fait broder. Emerveillée depuis l’enfance par l’univers de Jacques Demy, j’ai imaginé un voile en tulle de soie avec de la mousseline qui reprend les couleurs pastel des Demoiselles de Rochefort et l’éclat des robes de Peau d’Ane. Il n’y a pas de hasard, j’ai écouté des dizaines de fois les B.O. de Michel Legrand en peignant ce tableau. » (Anaïs Prouzet)

Y a-t-il plus grande révolution que celle de la douceur ?

Anaïs Prouzet peint des étreintes, des embrassements, des baisers, qui sont aussi paradoxalement des craintes d’abandon.

En dessinant finement le visage de ses proches, l’artiste les retient et les soustrait aux avanies du temps.

Cette bouche, ces yeux, ce nez ont été aimés, vous saurez pour longtemps maintenant qu’il est possible de ne pas se quitter.

Les yeux sont clos, les cheveux se mêlent, les tissus et les peaux se touchent.

Anaïs Prouzet observe attentivement les mains, la tension ou la détente des doigts, leur réseau de veines et veinules, leur carnation, la ligne des ongles.

L’émotion, c’est d’abord une main qui en rencontre une autre, et qui soutient, un crâne, une joue, un poignet.

C’est aussi celle de qui peint la rencontre, dans la hantise de la disparition.

S’étreint-on pour la première ou la dernière fois ?

Ces lèvres abouchées auraient-elles peur de prononcer des paroles définitives ?

Ce halo de flou duquel émergent les amants, les amis, les parents, est-il nimbe de protection ou menace d’un engloutissement dans l’informe ?

Pensées comme des memento mori, les œuvres d’Anaïs Prouzet sont aussi des ex-voto, gestes propitiatoires, vérité des sentiments jetés dans l’ordre du faux et du chaos social.     

Ce sont des manifestes sans tonitruance envers la pudeur et la délicatesse des liens.

Mais ces déclarations intimes sont aussi une ode à la peinture à l’huile, à la façon de la poser et de la faire reposer sur la toile, à son processus d’apparition.

Initiée en 2019 à la peinture dans l’atelier berlinois d’Axel Pahlavi et Florence Obrecht, l’artiste, qui travaillait jusqu’alors au fusain, a découvert la volupté d’une matière et d’une technique lui permettant d’aborder les mystères de la lumière.

Quelqu’un se bande les yeux, quelqu’un chute sans tomber, quelqu’un serre nos poitrines.

Les titres des œuvres forment les fragments d’un poème, paroles d’un song résonnant dans la tête : Entends-tu ? Rien ne peut te dépasser / Aujourd’hui n’arrive qu’une fois / Avant il n’y avait pas de question / Dites-moi ce que je ne veux pas savoir / Maxima Le laisser dans l’univers j’peux pas faire ça / Mériter son ciel / Encore un peu à moi / Entends-tu ? Rien ne peut te dépasser / Et puis, plus rien : Swann Et puis plus rien : Léa / Attendre chaque jour d’être hier / Dites-moi ce que je ne veux pas savoir / Je te regarde mais je n’ai pas les mêmes yeux L’Enfer est pavé de bonnes intentions Pas très loin pourvu qu’il existe / Nous fûmes tant de jours heureux

On remarque quelques éléments issus de notre plus proche contemporanéité, des baskets à scratch, un tee-shirt où l’on devine un motif de monstre, une salopette, mais tout est ailleurs, dans un Eden, comme sauvé.

Pouvant être considéré comme un tableau d’autel, Mériter son ciel (2023), dont la composition complexe est tripartite, semble une apothéose structurée par les ailes verticales d’un ange où se reflète le spectacle, à la fois serein et de noble gravité, de notre façon de nous tenir dans le monde, entre la mort et la vie.

Les visages sont souvent penchés, l’humilité est le début de l’éthique.

Il est beau de lire – à la toute fin du catalogue Déclarations – les influences que revendique l’artiste (liste non exhaustive) : des peintres (Edouard Manet, Andrea Mantegna, Salvador Dali, Edvard Munch, Francesco Hayez, Hans Memling, Pierre Bonnard, Axel Pahlavi, Paul Cox), des cinéastes (Jacques Demy, Jean Cocteau, Agnès Varda, David Fincher), un photographe (Philippe Halsman), des musiciens/chanteurs (Orelsan, Chili Gonzales, Hans Zimmer), un écrivain (Francis Scott Fitzgerald).

On ne peint pas seule, mais avec l’histoire de l’art.  

On se rassemble, on crée ensemble de la lumière, on se donne notre fragilité.

Voilà ce qu’offre la peinture d’Anaïs Prouzet, un supplément de souffle pour mieux respirer et tenir dans son être dans l’air vicié de l’époque.  

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2023/ Alexandre Roccuzzo, Historien de l’art et commissaire d’exposition

Imaginez que vous êtes tellement préoccupés par le passage du temps et l’inexorable destin fatal de votre existence, au point d’en être obnubilés, obsédés, voire terrifiés ! Que feriez-vous alors de votre présent, de vos souvenirs, du temps passé avec vos amis ou votre famille ? Quels substituts cathartiques imagineriez-vous pour contrebalancer cette peur du temps qui passe, cette chronophobie comme l’appelle la littérature médicale ? 

                 Je ne suis pas assez qualifié pour affirmer qu’Anaïs Prouzet souffre de chronophobie mais je commence à connaître et à comprendre assez bien son travail artistique pour certifier que celui-ci est hanté par la notion de disparition du temps et de tout ce qui s’ensuit de dramatique. Si certains travaux artistiques se construisent dans l’absence (perte d’un proche, absence d’un parent…), celui d’Anaïs se fait dans la présence. La présence de ses proches, si importante que leur absence serait insupportable. Mais cette absence n’est pas encore arrivée. Ce n’est donc pas un travail de la perte, mais un travail de la préfiguration, d’anticipation. Dans l’optique que ses toiles et ses moments de joie lui survivent, Anaïs Prouzet peint à l’huile en attachant une grande importance aux matériaux utilisés et au respect des temps de séchage entre deux couches. Si une couche de peinture est passée trop vite sur une autre, la peinture craquelle, se désagrège et c’est un souvenir qui s’efface, qui disparaît. Anaïs peint sa famille, ses proches, ses amis, afin de figer un moment et une émotion trop fugaces. Dans une tradition assez classique, elle peint pour fixer sur la toile des personnes et des moments qui lui survivront. Ses peintures où elle enlace sa famille ou ses amis sont des façons de se donner du temps en plus, de faire perdurer ce souvenir. Sur ses toiles, on voit une myriade de personnes (certaines reconnaissables d’une toile à une autre comme son mari ou son frère) quasiment tout le temps avec les yeux fermés et dans des positions d’attente ou de recueillement, entre tristesse et/ou passivité. Un personnage féminin se tient la tête devant des gâteaux d’anniversaire. Est-ce qu’elle pleure, est-ce qu’elle fait un vœu ? Est-elle terrorisée face à ce symbole des années qui passent ?

                 La maternité, la catastrophe écologique, la mort, la perte des êtres aimés, la fuite du temps et des moments de joie… Le travail d’Anaïs Prouzet est traversé par ces préoccupations. La question de la bonne conduite (cf. le titre Mériter son ciel ), de la bonne action, est aussi importante. Il ne s’agit pas tant ici d’une question morale que d’une question éthique. Dans une période politiquement et économiquement complexe, écologiquement angoissante et sanitairement désarmante, comment bien se comporter ? Qu’est-ce qu’être une bonne personne aujourd’hui alors que des injonctions parfois complètement contradictoires nous parviennent de toutes parts ? Anaïs Prouzet se pose les questions de sa génération et probablement celles de toutes les générations à venir. En cela, sa peinture est résolument contemporaine. Elle utilise des techniques de peinture réalistes, certes ancestrales, mais au service de préoccupations d’aujourd’hui. C’est pourquoi sa peinture est universelle et non la simple transposition artistique d’un album de famille et de névroses personnelles. Il s’agit ici d’inventer un nouveau récit en phase avec les paradigmes de l’époque, et si possible d’influencer la suite de ce récit, de ne plus être juste spectateur. Autre signe d’une époque, la référence au rappeur français Orelsan, que l’on perçoit à travers des détails ou dans un portrait. Certains artistes/chanteurs/musiciens sont en effet désormais tellement présents dans nos vies que parfois, ils nous sont particulièrement proches, presque familiers.

              Dans cet univers peuplé de personnages divers, rien n’est embelli, il n’y a pas d’esthétisation du monde, juste la réalité dans tout ce qu’elle a de plus cru. Mais cette réalité est tout de même mise à l’épreuve par le cadrage et la réalisation en découpage des tableaux. En effet, dans beaucoup de ses travaux, Anaïs Prouzet procède à un morcellement des scènes ou à un floutage. Dans la série de dessins au fusain Maxima où l’on voit deux personnes s’embrasser, la scène apparaît comme dans le reflet d’un miroir embué de salle de bain. Certaines zones sont floues, cachées par la buée et d’autres très nettes, comme si une main était venue frotter la surface d’un miroir après une douche chaude. Dans des travaux d’une série antérieure, on pouvait même lire, ou deviner des mots écrits avec un doigt dans cette buée, comme ceux que se laissent les amoureux entre deux bains. Pas étonnant que la buée, phénomène physique extrêmement fugace et fragile, intéresse l’artiste. La buée cache et dévoile les choses, mais elle recouvre surtout la réalité d’un voile vaporeux et suspend le temps. Lorsqu’elle dévoile les bouches et les mains d’un couple qui s’embrasse, on passe ici d’un phénomène optique à un phénomène poétique.  C’est une mise au point, dans le sens de “mettons les choses au point une bonne fois pour toutes” :  l’amour est ici l’essentiel  !  Le reste est superflu (superflou ?). Dans les peintures de l’artiste, pas de flou, mais on assiste à un morcèlement des scènes. Sur la même toile, on peut deviner plusieurs parties, plusieurs narrations qui disposées côte à côte composent un scénario global. Cette division de la toile se fait par bandes (horizontales ou verticales) ou par des formes indistinctes, plus organiques. Les personnages semblent donc dans différents espaces distincts mais pourtant quelque chose finit toujours par les relier. Ces divisions ne sont pas parfaites et un personnage peut dépasser d’une zone sur l’autre. Malgré le fait qu’ils soient séparés, ils sont tous réunis sur la même toile et se complètent. Comme pour mieux nous dire que dans notre individualité, nous ne sommes finalement rien sans les autres. Dans Dites-moi ce que je ne veux pas savoir, l’attitude apaisée, presque solaire du personnage central contraste avec le regard circonspect de celui de droite et avec l’introspection de celui de gauche. 

                  Quand la scène n’est pas morcelée, on peut voir apparaître le personnage plusieurs fois, sous plusieurs angles comme si celui-ci était prêt à discuter avec lui-même, à se poser des questions. Cette technique peut nous rappeler les débuts de la photographie et notamment les superpositions d’expositions sur la même pellicule qui montre à diverses reprises le même personnage sur la même image. La peinture d’Anaïs Prouzet est de toutes façons remplie de références à l’histoire de l’art (notamment à l’histoire de la peinture) et à l’histoire culturelle tout court. On peut retrouver dans ses toiles des pieds extraits de L’amour victorieux peint par le Caravage vers 1601 ou un autre provenant de La naissance de Vénus réalisé par Botticelli vers 1484. Ces pieds historiques se mélangent à d’autres de notre époque (je ne peux pas m’empêcher d’analyser la présence nombreuse et l’importance signifiante des pieds dans l’œuvre d’Anaïs Prouzet comme un rapport à la réalité. Les pieds sont ce qui nous relie au sol, à la terre. Représenter des pieds, c’est avoir les pieds sur terre, c’est ne pas se voiler la face ou fuir ses responsabilités). On peut aussi deviner des références à Dali et Gala sans oublier des tonalités venues de l’impressionnisme ou des cadrages inspirés de la Renaissance. Les titres ont aussi une grande importance et peuvent orienter le spectateur vers ce qui a conduit l’artiste à réaliser l’œuvre. On retrouve des vers tirés de chansons (de rap notamment) et des aphorismes tirant presque vers le Haïku. On devine ici aussi l’importance de la littérature ou tout du moins du sens des mots. Les œuvres d’Anaïs Prouzet sont bavardes dans le sens où elles sont remplies de détails et de références.

                 En plus des références, directes ou indirectes à l’histoire de l’art, on pourrait presque pousser en disant que la peinture d’Anaïs s’inscrit dans une filiation évidente avec la tradition picturale des Memento Mori. Cette locution latine, qui signifie souviens-toi que tu meurs ou souviens-toi que tu vas mourir, exprime la vanité de la vie terrestre. Cette vision de la condition humaine a donné lieu, à travers les époques, à de nombreuses représentations artistiques. Au XVIIe siècle, un style de nature morte appelé Vanitas (vanités) va pousser la mode du Memento Mori à son apogée. Dans ces œuvres, des symboles de mortalité (crânes, squelettes…) sont mis en opposition à des symboles de beauté ou du temps qui passe (fleurs qui fanent, roue qui tourne, sablier…) afin de mieux nous rappeler notre inéluctable destin funèbre. Mais l’art de mourir est en fait un art de vivre. Ces œuvres nous incitent à profiter de la vie et à finalement se concentrer sur l’essentiel pour oublier le superflu. Et c’est bien à cela que nous invite Anaïs Prouzet à travers ses réflexions sur la famille, les amis, le temps qui passe, les disparitions à venir. Elle se situe ainsi au bout d’une longue lignée artistique qui nous incite à vivre et à savourer chaque moment pour ne pas avoir de regrets.

                 Ceci étant dit, on peut difficilement être tourmenté par le temps qui passe, en faire le centre de son travail et ne pas être sujet à la mélancolie. Mais, depuis le spleen baudelairien, jusqu’à un traitement très contemporain de la dépression, la mélancolie est une émotion dont la portée poétique et esthétique n’a cessé d’être explorée. Il existe d’ailleurs une véritable beauté du spleen et de la mélancolie. Une sorte de ralentissement des choses, un ravissement de l’inéluctable. Je suis bien désolé d’avoir traité coup sur coup Anaïs Prouzet de chronophobique puis de mélancolique, dans un élan médical qui confine à la psychologie de comptoir. J’aimerais d’ailleurs pouvoir dire qu’il faut séparer la femme de l’artiste, mais en l’occurrence, ce n’est pas le cas. Le travail d’Anaïs est intimement lié à sa vision du monde et des choses.  Les nombreux autoportraits qu’elle réalise et les œuvres où elle se met en scène avec d’autres personnes nous le confirment. On sait depuis l’Antiquité qu’un autoportrait n’est jamais que la symbolisation de ce que l’artiste veut bien que l’on pense de lui. C’est une mise en scène, une représentation. Les autoportraits d’Anaïs semblent au contraire étonnamment francs et fidèles. Notre époque, propice aux selfies et à la mise en scène perpétuelle de soi-même sur les réseaux sociaux, favorise une société de la représentation symbolique où l’instantané est de mise. Un selfie est remplacé dans la seconde par un autre dans le fil d’actualité de nos téléphones, tout comme une pensée et une émotion sont balayées en quelque instants dans le fil d’actualité de nos pensées sursollicitées. Ce n’est pas rien, suite à ce constat, de se dire qu’Anaïs Prouzet travaille pour l’éternité, afin que dans ses toiles, ses pensées, ses proches, son amour lui survivent.  

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2020/ Clément Sauvoy, curateur et collectionneur

www.aluring.com/exhibitions

“Mon principal défi se trouve directement dans le sujet que je veux représenter, il s’agit de le rendre aussi fort et important qu’il l’est dans la vie. Je m’attache à le voir et à le dessiner, le peindre en restant fidèle à ma vision…” a-t-elle confié récemment. Et d’ajouter ceci : ”Durant mes études, la peinture a toujours été un médium fascinant mais qui me semblait si complexe, qu’à l’époque j’ai eu trop peur de me lancer. Je pensais que des bases de dessin étaient indispensables et je n’avais pas encore assez dessiné !”. Et de poursuivre ainsi : “La lumière dans mes tableaux apporte l’espoir que mes sujets cherchent pour sortir de leur état émotionnel. On me dit souvent que l’art c’est ce qui reste une fois qu’on est parti. Cela résume assez bien les enjeux que j’ai et plus particulièrement en peinture. Je travaille avec des temps de séchage très longs, environ trois semaines entre chaque couche de peinture et un an avant de poser le vernis final”. Sur fond d’inquiétude, d’atermoiements et de souffrances, ses oeuvres saissantes explorent – dans des auréoles, des positionnements de corps et la profondeur des ombres – une gestuelle tournée irrémédiablement vers une méditation avec le sujet. Elles souscrivent à l’idée que la “ force doit être congelée dans le sujet” et que la substance réside dans l’amour inaliénable des êtres chers. En effet, la démarche artistique d’Anaïs Prouzet (Photo ci-dessus Crédit@DR) récuse la notion du “pour la vie” en affirmant que bonheur et mélancolie vont finalement de pair. Elle nous rappelle aussi que les outils de prédilection de l’artiste sont le fusain, la mine de plomb et le crayon. Le regardeur appréciera ces travaux révélant une approche viscérale qui a vu le jour par le biais de visions-électrochocs et qui s’est ensuite progressivement épanouie dans le déploiement et la révélation des possibles de la couleur. On aime tout particulièrement ces visages pris comme des témoins de vie – sans apologie de la cruauté – et ces toiles impitoyables faisant surgir la beauté du vivant sans chercher à idéaliser une réalité ordinaire. Mais également cette force des instants vécus, dans une représentation de l’énigme via la mesure-étalon de l’artiste qui fut un temps son propre modèle. En nous faisant mieux comprendre, en filigranes, le titre étrange attribué à ce grand dessin mystérieux réalisé en 2018 : “Frappe, tue la frappe, fends la en deux” !

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2019/BLANDINE BOUCHEIX POUR L’EXPOSITION FEEL GOOD – GALERIE JEAN LOUIS RAMAND

L’enfant se forge au mélange des modèles qu’il absorbe et des jours qu’il expérimente… pour se constituer en adulte social, soumis aux caprices de sa société. Cette influence marque l’être en profondeur, comme le soulève Anaïs Prouzet dans ses représentations expressives d’elle-même ou de ses proches, aux prises avec des fragments de vie d’une profonde intensité. L’artiste cherche ainsi à questionner le vivant, avec une force semblable à celle de l’émotion dans l’instant présent. L’angoisse de la vie peut alors se faire éclat d’espérance, dans un rapport de violente tendresse qui forge la beauté de l’humain.

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2017/MARION BOTHOREL POUR ETAPESMAGAZINE, EDITION SPECIALE DIPLÔMES 2017

Avec un dessin exclusivement au crayon, minutieux et détaillé, Anaïs Prouzet explore les relations de domination entre les enfants, et plus spécialement celles des petites filles. Tyrannie, oppression, jeux d’influence et lutte pour le pouvoir sont représentés dans des scènes fourmillantes. Inspirée par le titre de l’exposition « Ne pas jouer avec les choses mortes », organisée par la Villa Arson en 2008, Anaïs questionne l’attrait des enfants pour l’interdit autour de jeux cruels voire macabres. Dans cet univers, l’animé et l’inanimé s’inversent. Tandis qu’il imagine donner vie à une peluche, l’enfant désincarne des choses vivantes qu’il utilise comme jouets. Saturés d’informations, les dessins ressemblent à un jeu d’énigme ou à une partie de cache-cache où l’on recherche des éléments dissimulés, des détails qui font vivre la scène comme une pièce de théâtre. Les spectateurs sont obligés de s’approcher, d’entrer dans un rapport intime avec le dessin, de participer au spectacle. Anaïs utilise des proportions corporelles étonnantes pour évoquer le développement de l’enfant , la manière dont il évolue. Avec la formule enfantine « et si on disait que », l’enfant recopie des gestes et incarne des personnages, des situations qui ne sont pas de son âge. Anaïs illustre littéralement ce comportement par la déformation de la tête, des bras et des jambes. Dans une série de dessins plus épurés, Anaïs travaille sur la représentation du corps de l’enfant, photographié aujourd’hui dans des situations de guerre ou d’exil et à la fois surprotégé dans notre société. La jeune artiste dresse un constat personnel sur la cruauté des enfants dans les cours d’école et sur le pouvoir des rapports humains.